Tunisie: des «ruches intelligentes» pour sauver les abeilles

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Le 20/05/2022 à 06h47, mis à jour le 20/05/2022 à 08h20

Elias se précipite vers ses «ruches intelligentes». L'apiculteur a reçu un signal d'alerte sur son téléphone grâce à une application, 100% tunisienne et pionnière en Afrique du Nord, destinée à éviter la surmortalité des abeilles et optimiser la production de miel.

Sur une colline de son terrain familial à Testour, au nord-ouest de Tunis, Elias Chebbi, 39 ans, ouvre le volet d'une ruche et montre un petit appareil blanc similaire à un décodeur qui mesure les variables et l'avertit de tout incident, via l'application Smart Bee.

La startup tunisienne «Beekeeper Tech» a mis au point un dispositif de capteurs à infrarouge qui fournit en permanence des données sur l'environnement et la santé des abeilles, pour «un prix abordable».

Les capteurs mesurent l'humidité, la température ainsi que le bourdonnement des insectes. Lorsqu'il y a un problème, une alerte est envoyée. Les appareils sont même dotés d'un localisateur GPS pour éviter les vols de ruches.

«Grâce à cela, je suis tranquille et je sais à distance ce qu'il se passe», se réjouit auprès de l'AFP, Elias, un ex-comptable qui s'est lancé dans l'apiculture en 2013.

C'est la même année qu'un groupe de jeunes ingénieurs tunisiens a eu l'idée d'un contrôle à distance des ruches, avant de lancer Beekeeper Tech en 2016. La phase de commercialisation n'a démarré qu'en 2020.

Cette startup est la seule de ce type en Afrique du Nord et a déjà vendu plus de 1.000 dispositifs Smart Bee, principalement en Tunisie et dans les pays voisins.

30% de pertes avant

Selon son PDG, Khaled Bouchoucha, il y a une demande importante et la société prépare 1.500 commandes pour des clients en Tunisie, en Libye, en Algérie, en Arabie saoudite et même en Nouvelle-Zélande.

L'appareil Smart Bee envoie des mises à jour en temps réel à un ordinateur central, qui analyse les données et aide l'apiculteur à réagir rapidement.

Cette technologie «a prouvé son efficacité» en Tunisie et dans d'autres pays, affirme à l'AFP Bouchoucha, 34 ans, qui s'est lancé pour aider son père, apiculteur occasionnel.

En Tunisie comme partout dans le monde, les abeilles sont confrontées à de multiples menaces, telles que le changement climatique, la pollution et les pesticides, à l'origine de phénomènes de plus en plus fréquents de disparitions massives de colonies d'abeilles.

Les informations recueillies sur la ruche permettent non seulement d'estimer le danger mais aussi de connaître la productivité de chaque reine et sa résistance aux variations climatiques.

L'application aide ainsi à identifier une «ruche modèle» pour affiner les souches et dupliquer son fonctionnement dans l'exploitation.

Quand l'apiculteur est averti d'un problème, il peut soit déplacer les ruches en surchauffe vers des zones plus fraîches, soit isoler celles qui sont trop froides, ou encore fournir une solution sucrée aux abeilles trop affaiblies pour passer l'hiver.

Avant d'utiliser cette application, Elias perdait environ 30% de ses ruches par an à cause de l'humidité et des changements soudains de température.

Problèmes climatiques

Depuis qu'il les a connectées en 2017, dans la phase d'expérimentation de Smart Bee, il n'en perd que 10%, «dans le pire des cas», indique-t-il.

«Avant, certaines abeilles mouraient progressivement sans que je m'en aperçoive suffisamment tôt», dit-il, soulignant que la tâche des professionnels est rendue difficile par «un climat qui change constamment».

«La Tunisie souffre de sécheresse presque toute l'année, ce qui signifie que l'habitat et la nourriture des abeilles disparaît», dit-il, assurant devoir chercher régulièrement de nouveaux sites où les installer.

Le système des «ruches intelligentes» lui a aussi permis d'augmenter la production à environ de 12 kg de miel par ruche par an contre 8 kg, soit une hausse d'environ de 40%.

Elias ne possède que deux appareils Smart Bee au coût unitaire d'environ 300 dinars (92 euros), qu'il place périodiquement sur chacune de ses 100 ruches mais aimerait pouvoir en acquérir d'autres.

Cette technologie peut «nous aider à renforcer notre sécurité et notre souveraineté alimentaires. Nous en avons grandement besoin dans un monde plein de maladies et de guerres», explique Mnaouer Djemali, chercheur à l'Institut national d'agronomie.

En Tunisie, avec sa population d'environ 12 millions d'habitants, le secteur emploie environ 13.000 personnes, selon un syndicat agricole local, et produit quelque 2.800 tonnes de miel par an.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 20/05/2022 à 06h47, mis à jour le 20/05/2022 à 08h20