Libye: deux raisons pour lesquelles Erdogan se débarrasse de 2000 mercenaires syriens à Tripoli

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Le 15/01/2020 à 14h26, mis à jour le 15/01/2020 à 14h30

Ankara avait promis la nationalité turque à des combattants syriens à qui elle versait en plus un grand salaire. Mais désormais, en les amenant en Libye, Recep Tayyip Erdogan file la patate chaude à Fayez El Serraj et aux Libyens.

C'est le quotidien britannique The Guardian qui a vendu la mèche. Au total 2000 combattants syriens sont déjà en Libye ou sont sur le point d'y être, "affirment des sources syriennes dans les trois pays (Syrie, Turquie et Libye, ndlr)", écrit le journal sur son site internet.

Ce déploiement massif, qui ne fera que compliquer davantage la situation en Libye, est intervenu après l'accord donné par la Turquie pour venir en aide au gouvernement d'entente nationale (GNA) de Fayez El Serraj. Ce dernier fait face, depuis avril 2019, à une féroce offensive des forces du maréchal Khalifa Haftar, chef de l'Armée nationale libyenne (ANL).

Il s'agit d'une situation extrêmement dangereuse dans laquelle la Turquie a décidé de plonger ce pays nord-africain. En effet, ces mercenaires ne se battent plus pour un idéal, comme ce fut le cas dans leur pays, mais uniquement pour de l'argent, ce qui peut les pousser aux pires exactions, le cas échéant.

Mais en réalité, par cette opération, le gouvernement turc gagne sur plusieurs tableaux. Car ces mercenaires percevaient des salaires de 450 à 550 lires turques, environ 1500 dollars au moment où ils combattaient pour la Turquie. Mais, désormais, c'est le gouvernement d'entente nationalede Fayez El Serraj qui leur verse la rondelette somme de 2000 dollars par mois, après leur avoir fait signer un contrat de six mois.

Le rôle de la Turquie se limite alors au recrutement et à la formation dans ses propres camps. Cependant, Ankara leur promet la nationalité turque, une carotte qu'agite Recep Tayyip Erdogan depuis plusieurs années, toujours selon The Guardian.

Non seulement, il s'agit d'une charge financière en moins pour la Turquie, mais Ankara les éloigne de ses frontières, peut-être pour très longtemps.

Dès le 24 décembre, "un premier contingent de 300 mercenaires syriens avait traversé la frontière turco-syrienne au poste militaire de Hawar KIllis", détaille The Guardian. Le 29 du même mois, un autre de 350 hommes allait suivre, poursuit la même source. Acheminés par avion à Tripoli, ils ont été placés au front est de la capitale libyenne.

Le 5 janvier, ce ne sont pas moins de 1350 hommes qui ont traversé la frontière entre la Turquie et son voisin syrien, toujours dans le même objectif d'être transportés vers la Libye.

Il s'agit d'un recrutement tous azimuts, sachant que parmi les recrues, figurent des combattants djihadistes, tout comme des ex-rebelles. Ils sont entraînés dans le sud de la Turquie avant d'être acheminés vers la Libye.

Ankara avait soutenu la rébellion estampillée "Armée syrienne libre (ASL)", dès les premiers affrontements contre l'armée loyale à Bachar El Assad, rappelle The Guardian.

La Turquie a poursuivi ce soutien douteux, même si l'ASL, infiltrée par les djihadistes, a perdu de sa crédibilité au fil du temps et des revers contre le régime de Bachar El Assad.

Mais Ankara s'est appuyée sur cette rébellion pour contrer les Kurdes syriens accusés de soutenir leur frère du PKK turc.

Sauf que "c'est une situation radicalement différente de la Syrie", prévient Claudia Gazzini, spécialiste de la Libye et analyste senior à International Crisis Group. "Le sentiment anti-turc est déjà très fort à cause de l'intervention d'Ankara et pourrait s'exacerber, jouant à la faveur de Haftar", ajoute-t-elle.

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 15/01/2020 à 14h26, mis à jour le 15/01/2020 à 14h30