Sous un ciel lourd et une fine bruine, la famille et les amis, prêtres et dignitaires, ont afflué dans la cathédrale anglicane Saint-Georges pour une messe de requiem dont Mgr Tutu, mort paisiblement le 26 décembre à 90 ans, avait réglé le moindre détail, choisissant lectures et orateurs.
«Papa dirait que l'amour que le monde entier nous a montré (cette semaine) réchauffe le cœur», a déclaré sa fille Mpho depuis l'autel. «Nous vous remercions de l'avoir tant aimé!»
Après l'hymne national, le président Cyril Ramaphosa a prononcé l'éloge funèbre. «Si l'archevêque Desmond Tutu était là, il dirait: Pourquoi avez-vous l'air si triste, si malheureux?», a-t-il plaisanté.
South Africa says goodbye to anti-apartheid campaigner Archbishop Desmond Tutuhttps://t.co/DYviesr1JJ pic.twitter.com/EVaj9SvBzW
— BBC News (World) (@BBCWorld) January 1, 2022
«Madiba (nom de clan de Nelson Mandela) était le père de notre démocratie, l'archevêque Tutu son père spirituel», a déclaré le chef de l'Etat avant de remettre solennellement le drapeau national à la veuve du disparu, tendrement appelée "Mama Leah" dans le pays.
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Tutu avait demandé que le cercueil en pin clair dans lequel il a reposé les deux derniers jours dans la cathédrale, pour que des milliers de gens viennent honorer la mémoire de ses combats et de ses enthousiasmes, soit choisi «le moins cher possible».
Pas de poignées en or, de simples bouts de corde pour le transport. Dessus, un simple bouquet de fleurs blanches.
Il avait désigné l'ami de longue date Michael Nuttall, son «numéro deux» quand il était archevêque, pour dire le sermon.
Connexion karmique
Leur lien, «a sans doute touché une corde sensible dans le cœur et l'esprit de beaucoup: un dirigeant noir dynamique et son adjoint blanc dans les dernières années de l'apartheid, ce n'était pas rien. Et le ciel ne s'est pas effondré!», a-t-il raconté. «Nous étions un avant-goût de ce que pourrait être notre pays divisé».
Il a rappelé aussi que Mandela qualifiait Tutu de «voix des sans-voix», une voix «parfois stridente, souvent tendre, jamais effrayée et rarement dénuée d'humour».
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L'ancienne présidente d'Irlande Mary Robinson a participé à la lecture de la prière universelle, en présence du Letsie III, le roi du Lesotho voisin, ou encore d'un représentant du dalaï lama avec qui Tutu a échangé des fous rires mémorables.
«Leur amitié était singulière», a déclaré à l'AFP Ngodup Dorjee. «Dès qu'ils se rencontraient, ils riaient. La seule explication à cela est une connexion karmique dans le passé», a-t-il ajouté très sérieusement.
La semaine a été émaillée par des hommages à Mgr Tutu dans tout le pays et au-delà. Les Sud-Africains se sont souvenus de sa ténacité et de sa grâce face au régime oppresseur de Pretoria.
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A Soweto, où il a longtemps prêché, il avait dénoncé la violence contre les lycéens lors des émeutes de juin 1976, réprimées dans le sang. Peu à peu, il devient la voix de Mandela, enfermé sur Robben Island et dont les plus jeunes ne connaissent pas encore le visage. La police et l'armée le menacent. Seule sa robe lui évite alors la prison.
Dans les manifestations pacifistes qu'il a organisées contre le régime, «il nous servait de bouclier», s'est souvenu Panyaza Lesufi, aujourd'hui cadre de l'ANC, l'historique parti de Mandela, toujours au pouvoir.
La veuve de Mandela, Graça Machel, a rappelé cette semaine le «courage indescriptible» qu'il fallait alors pour s'opposer au régime de l'apartheid: Tutu «se tenait résolu et sans peur, à l'avant des manifestations, sa robe cléricale flottant au vent, sa croix comme bouclier».
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