La Confédération des États du Sahel trace sa propre route de la soie

Une filature de coton au Mali.

Une filature traditionnelle de coton au Mali.. AFP or licensors

Le 05/12/2024 à 13h20

VidéoLes Journées économiques du Burkina Faso se veulent un premier jalon sur la longue route de l’intégration économique du Niger, du Mali et du Burkina réunis en Confédération des États du Sahel dont le divorce d’avec la Cedeao est prévu fin janvier 2025. Une séparation qui peut avoir des impacts économiques non négligeables. Mais les trois pays ne manquent pas d’atouts.

Les Journées économiques du Burkina Faso, les 3 et 4 décembre à Bamako, ont été conçues pour faire découvrir les potentialités économiques du pays des Hommes Intègres aux peuples de la Confédération des États du Sahel (AES), des pays enclavés aux ressources naturelles peu importantes. Abdoulaye Maïga, Premier ministre malien, y voit «la feuille de route de la Confédération États du sahel pour le développement des trois pays» dans un contexte sécuritaire «peu reluisant» qui appelle à une «solidarité accrue.»

Ce développement «sera industriel ou ne seras pas» selon la formule de Moussa Alassane Diallo, le ministre malien de l’Industrie et du Commerce. Mais pour y parvenir, il faudra «élargir la base production agricole, instaurer un climat des affaires favorable aux d’investissements internes et étrangers.» Tout un programme auquel s’attellent Mali, Niger et Burkina Faso qui devront crapahuter dur sur une route bien rugueuse.

Mais les atouts existent dans ces pays enclavés, au climat sévère et aux sources naturelles peu abondantes. A titre d’exemple, le rapport de la Banque africaine d’import-export (Afreximbank), intitulé «African trade report 2024: Climate implications of the AfCFTA implementatio», cite le Mali parmi les dix principaux moteurs du commerce intra-africaine en 2023. Selon la même source, le commerce intrarégional a représenté 15% du total des échanges commerciaux du continent en 2023 contre 13,6% en 2022.

Au commencement de la route, l’or, le coton et le pétrole

Ce rapport révèle également que la Côte d’Ivoire exporte des produits dérivés du cacao tout en important des céréales du Mali et du Burkina Faso. D’ailleurs, le Fonds Africain de Développement a approuvé récemment des prêts de 156,66 millions d’euros au Burkina Faso et au Mali pour l’aménagement de routes reliant ces deux pays à la Côte d’Ivoire. En 2022, les échanges économiques entre le Mali et le Burkina ont principalement porté sur l’or et le coton pour un volume de près de 8 milliards de dollars.

En novembre dernier, les autorités du Burkina Faso ont lancé à Ouagadougou la construction d’une première raffinerie d’or, principale ressource minérale du pays. Les premiers lingots d’or, d’une teneur de 22 carats, sortiront de cette raffinerie en moins d’une année.

Au Burkina Faso, la production aurifère a reculé de 13,7% en 2022 par rapport à 2021, passant de 66,8 à 57,6 tonnes. Il en est de même pour le voisin malien qui a signé quasi simultanément un protocole d’accord avec la Russie pour la construction d’une raffinerie d’or d’une capacité de production annuelle de 200 tonnes. Avec une production industrielle et artisanale estimée à 72,2 tonnes d’or en 2022, le Mali est le troisième producteur du métal jaune en Afrique, derrière le Ghana et l’Afrique du Sud.

Loin des lingots et plus près de la terre. En produisant 690.000 tonnes de coton, la fibre la plus utilisée dans le textile-habillement, le Mali a fait un bond de plus de 77% comparativement à la campagne précédente. Avec ce niveau de production, le Mali récupère sa place de premier producteur d’Afrique de la fibre la plus utilisée dans le textile-habillement suivi du Bénin qui a en récolté 600.063 tonnes. Lors de la campagne 2022-2023, le Burkina qui s’est hissé au second rang des producteur d’or blanc en Afrique avec une production de 411.000 tonnes.

Le Niger n’est pas en reste de cette dynamique. En novembre dernier, le Fonds monétaire international rapportait que «malgré un contexte délicat tenant à certains facteurs tels que les conséquences humaines et matérielles des récentes inondations (...) une forte reprise de l’activité économique est attendue cette année. La croissance est projetée à 8,8 % en 2024, principalement portée par les exportations de pétrole, par une campagne agricole favorable et par la levée des sanctions.»

Les risques du divorce d’avec la Cedeao

La sortie des pays de l’AES de la Cedeao (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) pourrait se traduire sur le plan économique par la suspension des projets et programmes mis en place par la Commission de l’Organisation dans ces pays enclavés. Ces projets sont chiffrés actuellement à quelque 500 millions de dollars. De même, cette sortie risque de mettre un terme à la coopération entre ces pays et les institutions financières et de développement de la Cedeao: la Banque ouest-africaine de développement (Boad) et la Banque d’investissement et de développement de la Cedeao. Ce qui aura des impacts négatifs sur les économies de ces trois pays.

Par Diemba Moussa Konaté (Bamako, correspondance)
Le 05/12/2024 à 13h20