Mauritanie: un célèbre poète menace de tuer le blogueur Mkheitir s'il était libéré

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Le 19/12/2016 à 11h13, mis à jour le 19/12/2016 à 12h53

A 24 heures du verdict de la cour suprême de Mauritanie sur l’affaire d’un blogueur condamné à la peine capitale, on assiste à une montée de la haine et de l'extrémisme religieux.

A travers une déclaration largement relayée par la presse locale, ce week-end, Douh Ould Beyrouck, un célèbre poète, a affirmé être déterminé à donner la mort au blogueur Mohamed Cheikh Ould M’kheitir, dans le cas où ce dernier serait libéré par la justice. 

Celui-ci est reconnu coupable d’écrits «blasphématoire ». Il a été condamné à la peine capitale pour «apostasie» par une cour criminelle dans un arrêt rendu en 2015. Cette décision a été confirmée en appel au mois d’avril 2016, en dépit d’une requalification des faits en «mécréance»; une infraction moins grave, selon les spécialistes.

A la faveur d’un pourvoi en cassation, la cour suprême rendra son verdict dans la même affaire le mardi 20 décembre. Dans ce contexte, Douh Ould Beyrouck affirme en langue locale «au nom de mon père, je lui logerai une balle s’il est libéré».

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Les propos du poète ont été tenus à l’occasion d’un rassemblement de soutien au Prophète (PSL) organisé par un forum mondial. Une manifestation dont l’objectif des organisateurs est d’accréditer la thèse d’une montée de la colère « populaire » à l’approche du verdict de la haute juridiction en vue de mettre la pression sur les juges.

Face à ce discours, on note une réaction nettement hostile des réseaux sociaux.

Ainsi, Maître Lô Gourmo, avocat et professeur de droit, avertit «ceux qui veulent entraîner le pays dans une sorte de terreur religieuse généralisée en se servant de Cheikh Mohamed Ould M’kheitir comme bouc émissaire, se trompent lourdement. Cette tentative échouera».

Commentaire identique de la part d’Ahmed Ould Oubeid : «ils vont échouer. Les gens en ont marre de ce jeu sordide. Ca ne passera pas». Un autre internaute, A. Fall, exprime «un profond dégout face à ces fumiers».

Manifestement tenaillé par le dégoût, Ely Salem se fend du commentaire suivant : «grave, très grave. Comment faire face à ce déferlement ravageur. Le flot est si prééminent qu’il est entrain de briser toutes les digues, barrages et protections des valeurs républicaines et humaines».

Pour sa part, Nana Mint Mohamed Laghdaf, cadre de banque livre un rappel historique général «que des slogans ronflants ont perdu par le passé de grands peuples. Rien de plus dangereux que des certitudes exacerbées, sourdes et aveugles, qui font feu de tout bois face à un pouvoir à courte vue qui cherche la diversion à tout prix».

Les parent du jeune blogueur condamné à mort, dont le père est un ex-préfet, se sont enfuis de la Mauritanie et ont demandé l’asile politique à la France, selon une nouvelle largement relayée par la presse locale la semaine dernière.

Le président Mohamed Ould Abdel Aziz a réfuté la thèse de «l’extrémisme» et de «l’intolérance» des Mauritaniens dans un entretien récent publié par le quotidien français Le Monde.

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 19/12/2016 à 11h13, mis à jour le 19/12/2016 à 12h53