Sénégal: les commerçants se mobilisent contre le groupe français Auchan

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Le 26/06/2018 à 13h43

La mainmise d’Auchan, sur une bonne partie de la grande distribution au Sénégal, contrarie et inquiète. L'Union nationale des commerçants attire l’attention des autorités sur une menace de pertes d’emplois dans un secteur stratégique de l'économie.

Le déploiement rapide du groupe français Auchan sur le territoire sénégalais commence à inquiéter les commerçants de détail. L’Union nationale des commerçants et industriels du Sénégal (UNACOIS) tire la sonnette d’alarme et avertit les autorités sur le danger qui guette ce secteur stratégique de l’économie du pays. Idy Thiam et ses camarades montent au créneau pour plaider la cause de ces Sénégalais qui gagnent leur vie grâce au petit commerce.

«La présence des entreprises comme Auchan au Sénégal aliène l’autonomie économique du pays», soulignent-ils. L’alerte a été lancée vendredi dernier à l'issue d'une réunion inscrite dans le cadre de l’évaluation périodique du secteur du commerce. Les membres de l'UNACOIS n'ont pas caché leurs inquiétudes concernant la survie de certains commerçants sénégalais.

Selon Idy Thiam, ce sont «les braves femmes et les jeunes Sénégalais qui sont dans les marchés, et dans les régions» qui risquent de perdre leur seule source de revenus si les autorités ne contrôlent pas le déploiement des groupes étrangers sur le territoire national.

«La présence au Sénégal, d'enseignes comme Auchan, dans des conditions non maîtrisées, affiche résolument la volonté d’enrayer le commerce sénégalais. Elle remet en cause l’autonomie économique du pays et aliène les consommateurs», a soutenu Idy Thiam. Il demande ainsi aux autorités de prendre leurs responsabilités contre «cette entreprise d’aliénation et d’appauvrissement» des Sénégalais.

La forte présence des groupes français comme Auchan et Casino au Sénégal constitue une réelle menace pour la petite distribution.

Mais la survie du commerce intérieur sénégalais passera impérativement par sa modernisation. En effet, les grossistes sénégalais continuent de gérer ce secteur de manière traditionnelle. Dans leur grande majorité, ces commerçants fonctionnent comme des rentiers, se font de gros bénéfices sur le dos des consommateurs sans pour autant créer de nouveaux emplois. Leur contribution à la transformation industrielle des matières premières sénégalaises, synonyme de valeur ajoutée, est quasi nulle.

De plus Auchan fait valoir un solide argumentaire concernant les prix appliqués qui sont plus bas que chez l'épicier du coin. En effet, l'enseigne française cède la grosse boite de Nescafé à 2800 Fcfaau moment ou le boutiquier du coin la vend à 3300 Fcfa. Une différence de 500 Fcfa sur un seul produit, ce qui signifie qu’au moment du ravitaillement, le chef de famille peut facilement économiser 20 à 30.000 FCfa. Un litre de détergent liquide vendu à la boutique à 1000F est à 850f dans cette grande surface. Les pattes alimentaires dont raffolent les Sénégalais sont aussi moins chères ainsi que le lait en poudre avec une différence sur le sachet de 400g de 300 Fcfa. A la longue, cela peut changer les habitudes d'achat des Sénégalais qui ont toujours privilégié le boutiquier du coin pour raison de proximité. 

Evidemment, le Sénégal, à l'image d'autres pays, doit protéger les nationaux. Toutefois, les efforts de l’Etat dans le sens de la pérennisation des activités des commerçants sénégalais ne seront efficaces que si ces derniers acceptent de se regrouper pour créer des champions nationaux. Leur regroupement est d’autant plus nécessaire que d’autres groupes mondiaux très actifs dans le e-commerce, comme Alibaba et Amazon, frappent aux portes des pays africains.

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 26/06/2018 à 13h43