Le professeur Aly Khoudia Diaw, sociologue de formation, a tenté de cerner objectivement, en classant dans quatre catégories, les personnalités des candidats les plus en vue sur la scène politique sénégalaise. On retrouve ainsi dans ce classement le peloton de tête, les jeunes candidatures et les révélations, les incontournables et possibles faiseurs de roi et enfin les nouveaux postulants.
Le peloton de tête
Macky Sall, le candidat sortant qui en veut à tout le monde
En sa qualité de candidat sortant qui lui donne un «avantage» selon Aly Khoudia Diaw, «il a les moyens logistiques de l’Etat». Cet avantage est aussi conforté par son parcours dans les sphères de décision étatiques. En effet, le président sortant du Sénégal «a fait toute la chaîne du pouvoir grâce à Abdoulaye Wade, qui l’a nommé à tous les postes» et l'a fait élir au perchoir. Et s’il le voudrait, continue le sociologue, «il pourrait contraindre tout le monde dans l’administration, du commis d’administration au premier ministre». Les réalisations qu’il a faites comme les autoroutes, «les infrastructures liées au Programme unique de développement communautaire (PUDC), la politique sociale comme la bourse de sécurité familiale, la carte d’égalité des chances et la Couverture médicale universelle», pourraient plaider en sa faveur.
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Macky Sall traine toutefois «un sérieux handicap avec la gestion du capital humain. Il accumule trop de contentieux, trop de mécontentements et semble en vouloir à tout le monde. Il s’est dédit plus d’une fois et verse dans l’injustice et la brimade d’honnêtes citoyens», dit le professeur. L’actuel chef de l’Etat sénégalais a comme «principal adversaire, les contentieux sociaux. Et malheureusement pour lui, continue-t-il, ce sentiment est tenace chez les populations. S’il ne passe pas au premier tour, des tentatives désespérés de sa part sont à craindre», conclu l’analyste politique du jour sur Macky Sall.
Khalifa Sall, le rival à écarter
Fort d’un «bon passé militant, socialiste de la première heure, Khalifa Sall est récompensé au soir des élections locales de 2009 (en devenant marie de Dakar, NDLR), après une longue traversée du désert du parti socialiste et la démission de beaucoup de ses ténors», dit le sociologue. L’autre mérite de Khalifa Sall dans cette victoire, réside selon lui, dans le fait qu’il ait été investi tête de liste à Dakar, non pas parce qu’il était le mieux placé, mais parce que «le premier secrétaire du Parti socialiste, Ousmane Tanor Dieng, ne croyait pas que le PS puisse venir au bout de la grande machine libérale».
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Rappelons qu’en 2019, «la machine libérale» en quête de la mairie de Dakar, avait à sa tête le maire sortant, Pape Diop et Karim Wade, fils de l’ancien président Abdoulaye Wade.
Tout ceux qui ont pratiqué Khalifa Sall, soutient Aly Khoudia Diaw, "témoignent que c'est un homme humble, correct et effacé, sans excès. Personne ne l’a jamais entendu parler en mal de qui que ce soit dans le landernau politique. Plusieurs fois félicité par l’ARMP et les autres organes de contrôle, d’après plusieurs sources d’informations, il est le plus grand danger pour le candidat sortant car il peut se retrouver au second tour avec Macky Sall par un concours de circonstances, comme cela ne manque jamais en politique. L’exemple du candidat sortant est là. Partout au Sénégal, le sentiment le plus partagé c’est qu’il a été mis en prison pour des raisons purement politiques."
Néanmoins, «sa seule faiblesse est certainement qu’il ne pourra pas battre campagne lui-même si on le maintient jusque-là en prison. Mais son appareil politique s’en chargera », termine-t-il.
Idrissa Seck, un solide appareil politique
Le professeur Aly Khoudia Diaw le décrit comme «la bête noire du régime de Macky Sall ». Idy, comme l’appellent ses inconditionnels, «a connu tous les honneurs et toutes les situations en politique. Honnête et engagé, pieux et cultivé, il peut se présenter devant Macky au second tour par un concours de circonstance et surtout parce qu’il a un solide appareil politique derrière lui, des moyens logistiques et financiers conséquents, en plus d’une bonne implantation sur l’ensemble du territoire national. On dit qu’en l’absence de Khalifa et de Karim, il est l’alternative face au candidat sortant. Son défi le plus immédiat sera de rassembler le maximum de soutiens et de partis autour de son programme».
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Mais le président du parti «Rewmi» a aussi des faiblesses. A savoir, selon le sociologue: «son supposé ego surdimensionné, son pédantisme, son inaccessibilité même pour ses proches collaborateurs et sa tendance très marquée pour l’extérieur».
Karim Wade, le candidat de son père
A en croire le professeur Diaw, «Karim Wade est le candidat de son père Abdoulaye Wade et non du PDS comme les militants libéraux tentent de nous le faire croire, il est là uniquement à cause du bon vouloir de son père. Ceux qui sont d’accord peuvent accepter et rester, ceux qui ne sont pas d’accord peuvent partir. Mais sa candidature est une position politique dont l’objectif est de maintenir la mobilisation et la flamme, c’est une candidature par défaut. Il n’a pas de passé politique au PDS et s’est toujours comporté comme un prince héritier».
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Selon lui, «sa faiblesse réside dans le fait qu’il n’a aucune méritocratie en politique, ne prend jamais ses responsabilités. Il le décrit aussi comme «la principale faiblesse du PDS». Il n’est donc pas étonnant que «des militants demandent de désigner un autre candidat. C’est un gâchis pour le PDS qui pourtant est la deuxième force politique au Sénégal si l’on s’en tient aux dernières législatives», précise le professeur Diaw.
Jeunesse et nouvelle révélation
Ousmane Sonko, la surprise viendra de lui
Il faut dire que cet ancien inspecteur principal des impôts et domaines, fondateur du parti « Pastef-Les Patriotes», a séduit par sa jeunesse et son engagement. «Il est la révélation de cette présente campagne. Calme, serein et indémontable, il s’est dressé face au régime jusqu’à le conduire à la bourde que l’on sait, c'est-à-dire son exclusion», dit Aly Khoudia Diaw. Il le peint comme « un jeune homme bon sous tout rapport. Un homme innovant et méritocratique».
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Mais sa faiblesse, dit-il, «réside dans l’absence d’appareil politique et d’homme d’envergure, et certainement aussi de moyens financiers. Il peut être faiseur de roi si par extraordinaire il arrivait au second tour».
Thierno Bocoum, un faiseur de roi
Personnalité politique correcte, humble et discipliné, il a acquis une noblesse politique auprès d’Idrissa Seck. Il fait partie des jeunes sur lesquels on peut compter. Il connait tout en politique. Il peut se positionner en faiseur de roi. Sa faiblesse réside dans le manque de moyens financiers et un défaut d’appareil politique digne de ce nom, à la mesure de ses ambitions. Mais qu’on ne s’y trompe pas, en politique, rien n’est acquis
Bougane Gueye Dany, le milliardaire qui s'est fait tout seul
Il est le prototype même de la méritocratie. Il ne doit rien à personne et a su tracer sa voie tout seul. Généreux et serviable, il a acquis ses lettres de noblesse dans le business et dans le social. Jeune et intègre, on ne lui connait aucun excès, aucune dérive et son image passe très bien au sein de l’opinion, qui l’a plébiscité presque partout ou il est passé. Il est riche, il a ses médias et est bon communicateur, ce qui suscite la peur chez le camp d’en face et chez ses autres concurrents. Il est une alternative crédible pour tous ceux qui ne voudront pas voter pour un politicien. Sa faiblesse réside dans sa virginité politique et l’absence d’un appareil politique et d’homme d’envergure pour l’accompagner dans sa mission.
Les incontournables et possibles faiseurs de roi :
Pape Diop, l'homme sans casserole
Honnête et intègre, on ne lui connait aucune casserole. Il a une notabilité politique et un appareil ainsi que des moyens conséquents pour aller à l’assaut du Macky. A défaut d’aller au deuxième tour, il peut être un faiseur de roi car le deuxième tour au Sénégal est une question de moyen.
Abdoulaye Baldé, le discret candidat
"L'actuel maire de Ziguinchor ne se prépare pas réellement pour aller à l’assaut du peuple sénégalais et leur proposer un programme. On ne l’entend pas beaucoup sur le plan de l’animation politique et il se complait dans une position régionaliste. Il peut être un solide allié au second tour et par conséquent faiseur de roi."
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Aida Mbodj, un monstre politique
Honnête et engagée, elle a un parcours politique sans commune mesure et a gagné ses lettres de noblesse. C’est une battante et une redoutable manœuvrière, capable d’élaborer des stratégies pour monter un échafaudage et parvenir à ses fins. Notabilité politique et possible faiseur de roi. Tout le monde se l’arracherait au second tour
Me Aissata Tall Sall, un long parcours militant
Actuelle maire de Podor et député à l’assemblée national, « elle a acquis sa notabilité politique à la suite d’un long parcours militant au parti socialiste. Correcte, d’une grande urbanité, engagée, elle passe pour la Ségolène Royal sénégalaise. Tout comme Baldé, elle donne l’impression de ne pas se préparer réellement à affronter le Sénégal des profondeurs pour présenter son programme. Elle aussi, les deux premiers se l’arracheraient volontiers».
Abdoul Mbaye, devenu accro au pouvoir politique
Il a goûté au pouvoir politique et ne peut plus s’en passer. En effet, le fondateur de l’Alliance pour la citoyenneté et le travail (ACT) a été nommé Premier ministre après la victoire de Macky Sall sur Abdoulaye Wade aux élections présidentielles de 2009. Mais il a par la suite été démis de ses fonctions après deux de compagnonnage avec l’actuel chef de l’Etat. Selon le Professeur Diaw, « AbdouI Mbaye cherche à se positionner et devrait commencer par chercher un véritable appareil politique et un programme digne de ce nom à proposer au peuple sénégalais. A cause de ses moyens, il peut être un bon allié et faire parti des faiseurs de roi».
Cheikh Hadjibou Soumaré, ex Premier ministre mais novice en politique
Fonctionnaire honnête et intègre, on ne lui connait aucun écart. La virginité politique de l’ancien Premier ministre sous Abdoulaye Wade, de 2007 à 2009, « ne veut rien dire car il semble que les Sénégalais se démarquent de plus en plus de la classe politique traditionnelle, précise le sociologue. A en croire ce dernier, Cheikh Hadjibou Soumaré force le respect et peut être un bon allié au second tour».
Professeur Issa Sall, une solide base dans le milieu religieux
Le professeur Issa Sall est un brillant intellectuel qui a créé la surprise lors des dernières législatives. On dit qu’il puise dans l’électorat des «daaras», ce qui pourrait faire penser le PUR (Parti de l’unité et du Rassemblement) est un parti religieux. Il doit lever cette équivoque car lui a les moyens de porter un programme et de le vendre aux Sénégalais. Il ferait un très bon allié au second tour.