Sénégal. Macky Sall gagne les foyers religieux à sa cause

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Le 12/12/2016 à 16h57, mis à jour le 12/12/2016 à 17h05

Dans le très subtil rapport entre pouvoir politique et confréries religieuses, qui fait la particularité du Sénégal, le président Macky Sall est en train de marquer des points. Comme en témoignent les déclarations faites dans les différents foyers religieux à l’occasion du Maouloud ou Gamou.

Macky Sall est conscient du poids social et politique des confréries religieuses au Sénégal. Et le chef de l’Etat sénégalais ne ménage pas ses efforts pour gagner ces «grands électeurs» à sa cause. Du reste, tous ses prédécesseurs ont usé de la même manœuvre. Avec plus ou moins de succès. Sall, lui, ne s’est pas contenté de belles déclarations d’intentions. Son programme de modernisation des cités religieuses commence à porter ses fruits avec de premières réalisations, notamment à Tivaouane, à Médina Baye (Kaolack, 192 km de Dakar), mais aussi à Touba, la capitale du mouridisme.

Et si l’on se fie aux déclarations des uns et des autres durant le Gamou, les foyers religieux semblent être très satisfaits de l’action du chef de l’Etat. A Tivaouane, le porte-parole du khalife général des tidjanes, Serigne Abdou Aziz Sy Al Amine dit «Junior», a d’abord évoqué des questions de société, condamnant la violence et les meurtres atroces qu'a connu le pays lors des dernières semaines.

Mais c’était pour mieux aborder les questions politiques. Dans la deuxième partie de son allocution, aux accents très politiques, « Junior » a déploré la pléthore de partis politiques dont certains ont pour seule ambition de s'octroyer une partie du gâteau du pouvoir. «Certaines personnes créent des partis politiques pour s’en servir comme moyen de pression sur le pouvoir afin de recevoir des subsides», dénonce-t-il. Il existe 256 partis au Sénégal, lui glisse Abdoulaye Daouda Diallo, le ministre de l’Intérieur, assis à ses côtés. De quoi donner des arguments au religieux : « Vous vous rendez compte ? Autant de partis dans un petit pays comme le Sénégal. Certains ne peuvent même pas réunir 100 militants ! »

Un soutien à peine voilé au chef de l’Etat

Appelant à un retour aux valeurs de l’islam, le porte-parole du khalife des tidjanes s’est aussi dit indigné des injures quasi-quotidiennes envers le président de la République ou les chefs religieux. Il y a quelques jours, il avait déclaré: le pays «sera toujours avec Macky Sall»…

A Médina Baye, la tonalité du propos d’un des porte-paroles du khalife a aussi eu un accent très politique. Sans doute galvanisé par la présence du chef de l’Etat Macky Sall, venu inaugurer la résidence «Keur Abdoulahi Bayoro», Serigne Bassirou Niass n’a pas hésité à critiquer l’opposition. Ouvertement.

«Des fois, ils (les opposants) disent que Macky voyage trop, des fois ils prétendent autre chose. Que des parlottes !», souligne le porte-parole dont les propos sont rapportés par le site dakaractu.com. Il regrette à son tour la pléthore de partis politiques. Et le religieux d’afficher un soutien non voilé au président Macky Sall : «C’est dommage que vous n'ayez demandé que deux mandats. Nous vous en aurions donné dix, si tel était votre désir (car) ce que vous avez fait à Médina Baye, personne ne l’a jamais fait ». Des propos qui vont sans doute réjouir le chef de l’Etat sénégalais.

Finalement, la seule note dissonante semble venir de Louga. Le khalife de la famille Abass Sall, Serigne Mansour Sall, a, lui, préféré consacrer son discours au radicalisme islamique. Selon ce chef religieux, le Sénégal est à l’abri des «influences extérieures», qui engendrent le terrorisme, grâce aux enseignements des guides confrériques, soutient-il. Si les khalifes généraux des confréries se gardent d’afficher eux-mêmes, leur soutien politique au chef de l’Etat, les déclarations de leurs porte-paroles laissent penser que l’ère des «ndiguel» (consigne de vote édictée par un guide religieux) n’est pas totalement révolue.

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 12/12/2016 à 16h57, mis à jour le 12/12/2016 à 17h05