Dans la plupart des quatorze pays qui utilisent le franc CFA en Afrique de l'Ouest et Centrale, en attendant l'arrivée de l'Eco, future monnaie commune, c'est la même rengaine quotidienne: difficile de payer des petites sommes avec un "gros" billet de 10.000 FCFA (15 euros), voire un billet de 5.000 FCFA.
La petite monnaie fait même l'objet de trafic ou de marché noir dans certaines villes.
"Il y a trois jours, un conducteur de taxi m'a fait descendre de sa voiture quand je lui ai dit que j'avais un billet de 1.000 francs CFA (1,50 euro) pour une course à 200 FCFA", témoigne Harouna Moumouni, un gardien à Niamey.
Dans les épiceries, les pharmacies ou même les supermarchés, le client se voit souvent rendre la monnaie en bonbons, biscuits ou en mouchoirs en papier.
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La pénurie chronique de petite monnaie handicape les commerçants, dans ces pays où l'essentiel des transactions se fait en liquide, les moyens de paiement électroniques étant réservés aux grosses sommes et aux établissements de luxe.
"Il arrive souvent que j'aie à chercher de la monnaie pendant vingt minutes dans le quartier, pendant ce temps-là je peux perdre des clients", déplore Alassane N'Diaye, vendeur dans une boutique d'artisanat à Dakar.
Comment s'explique la pénurie de monnaie, petites coupures de 500, 1.000 et 2.000 FCFA, et de pièces, qui vont de 5 à 500 FCFA?
Un travail d'équilibriste
La question, en apparence triviale, est sensible. Les banquiers contactés par l'AFP n'ont répondu que sous réserve d'anonymat.
Selon un cadre de la BCEAO, la réponse est simple: les pièces et les petits billets coûtent cher à produire pour les deux banques centrales qui gèrent la monnaie dans les deux zones franc (BCEAO pour l'Afrique de l'Ouest, BEAC pour l'Afrique Centrale).
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"Les petites coupures tournent beaucoup, donc elles s'usent vite et il faut les remplacer souvent. On n'en produit pas assez. Les pièces durent beaucoup plus longtemps, mais elles coûtent cher à produire. Du fait des métaux qui les composent, elles coûtent même plus cher que leur valeur faciale. Donc les banques centrales perdent de l'argent sur les pièces.Voilà pourquoi il n'y en a pas non plus assez", explique ce cadre.
Autre explication complémentaire, il est difficile pour les deux banques centrales de répartir avec justesse pièces et billets à travers tous les pays qu'elles gèrent, en tenant compte de tous les facteurs économiques et financiers.
"Faire circuler la monnaie est un travail d'équilibriste", estime le représentant du Fonds monétaire international (FMI) en Côte d'Ivoire, José Gijon.
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Face à la pénurie, les commerçants ont recours au marché noir.
"Chaque semaine, je me ravitaille auprès de revendeurs de petites coupures pour alimenter les caisses. Ils prennent une marge de 10%", explique à l'AFP la directrice d'une grande surface abidjanaise, préférant taire son nom.
Encourager l'argent virtuel
Parmi ces revendeurs, il y a tous ceux dont l'activité leur permet de récolter de la petite monnaie: vendeurs de rue, receveurs de gbakas...et même les mendiants qui à la fin de la journée échangent leurs sébiles pleines de pièces contre des billets, moyennant la commission de 10%.
"La petite monnaie ne circule pas comme elle devrait. Alors il y a un marché parallèle", confirme un cadre d'une banque privée.
A quelques mètres du siège ivoirien de la BCEAO, dans le centre d'Abidjan, on trouve d'autres revendeurs de monnaie, des jeunes hommes avec des sacs bien garnis, mais de petites coupures neuves.
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D'où viennent ces liasses encore munies de leurs ganses? Le revendeur ne répond pas, mais indique des yeux la tour de la banque. Il est prêt à faire une réduction sur sa commission habituelle de 10% si on commande pour plusieurs millions de petites coupures...
Faute d'étude à large échelle, difficile de connaître l'impact précis du manque de petite monnaie sur les économies africaines, note le banquier.
L'arrivée de l'Eco, la future monnaie commune ouest-africaine censée voir le jour en 2020, permettra-t-elle d'améliorer la situation?
"C'est un peu une nébuleuse, cette future monnaie. Difficile de juger si cela règlera la question de la petite monnaie", juge le banquier privé.
Plutôt que fabriquer plus de monnaie, il faudrait encourager l'utilisation d'argent virtuel pour les paiements, surtout les applications par téléphone mobile, estime Hermann Yohou, économiste au FMI, les populations africaines étant peu bancarisées, mais très bien équipées en mobiles.