Charretier de son métier, le défunt, Abass Diallo, aidait un commerçant, qui se livrait à un lucratif trafic, à faire traverser sa marchandise dans la région du Brakna, dans le sud-ouest du pays, vers le Sénégal voisin, alors qu'en ce contexte de crise sanitaire, la frontière entre les deux pays est fermée, afin de limiter la propagation du coronavirus entre les deux populations.
Selon la thèse de l’Etat-Major Général des Armées (EMGA), dans un communiqué, «le soldat a fait un tir de sommation en direction de la victime, qui tentait de l’agresser, et qu’il a mortellement touché, malheureusement», le jeudi 28 mai 2020.
Toutefois, l'annonce faite par l'EMGA d'une mort accidentelle, à cause d’une «balle de sommation», entraîne les nombreux doutes de tous, surtout qu'il y est fait allusion que Abass Diallo est, en fait, un «récidiviste», en conflit avec la loi, et déjà condamné pour ces faits.
Pour sa part, Assane Seck, maire de la commune de M’Bagne, dont relève la localité de Dabane, où vivait Abass Diallo, parle «d’un drame prévisible».
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«Les jeunes de la commune qui s’étaient organisés pour stopper la contrebande, avec la complicité avec des militaires, ont été arrêtés 72 heures durant au commissariat de police de M’Bagne, et déféré devant le tribunal régional d’Aleg {capitale de la région du Brakna, Ndlr}. J'ai alors saisi un haut responsable du ministère de l’Intérieur pour signaler que Wending devenait une plaque tournante du trafic de marchandises entre les deux rives {le fleuve Sénégal, frontière naturelle entre les deux pays, Ndlr} depuis la fermeture des frontières. Personne n'a voulu m’écouter et voilà les dégâts», se désole le maire de M’Bagne.
Dans cette affaire, l’explication de l'armée mauritanienne ne convinc pas l'opinion publique, et de nombreux internautes sur les réseaux s’interrogent sur la cohérence «d’un tir de sommation en pleine poitrine», alors que Abass Diallo a en effet reçu une balle mortelle en plein cœur.
Même scepticisme de la part de plusieurs partis de d’opposition, et de membre de nombreuses organisations de la société civile, lesquels condamnent unanimement ce qu'ils qualifient de «meurtre».
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Le Rassemblement National pour la Réforme et le Développement (RNRD -Tawassoul, chef de file de la mouvance islamiste mauritanienne) indique, dans un communiqué, condamner «un acte barbare, odieux, et exige l’ouverture immédiate d’une enquête transparente pour faire toute la lumière sur cet incident».
Pour sa part, l’Union des Forces du Progrès (UFP) dénonce «un usage excessif de la force» et réclame «l’ouverture d’une enquête».
De son côté, le leader anti-esclavagiste Kane Hamidou Baba, qui avait mené la coalition «Vivre ensemble» lors du scrutin présidentiel présidentiel du 22 juin 2019, «condamne fermement la tuerie perpétrée par l’armée mauritanienne (...). Les informations que nous avons recueillies indiquent clairement que le soldat a tiré à bout portant vers le contrevenant, qui ne détenait aucune arme sur lui et qui ne manifestait aucune forme d’agressivité vis-à-vis de la patrouille militaire».
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Ce discours a été repris par la mouvance nationaliste noire, incarnée par la Coalition Vivre Ensemble-Vérité et Réconciliation (CVE/VR), que dirige, depuis le 22 février 2020, Alassane Dia. Un communiqué dénonce «des provocations incessantes contre les populations de la vallée du fleuve {Sénégal, Ndlr}. Des pratiques qui s’inscrivent dans un cadre global d’exclusion croissante de la communauté négro-africaine de la fonction publique, de la haute administration, comme l’attestent les nominations à caractère raciste, assumée et entérinées lors de toutes les sessions de conseils des ministres».
En ce qui concerne l'Initiative de résurgence abolitionniste en Mauritanie (IRA-M), dirigée par le leader anti-esclavagiste Biram Dah Abeid, un communiqué précise que «feu Abass Hamadi Diallo paierait, selon le décret du hasard, le prix de sa rébellion au droit. Il est assez effrayant, du point de vue de la morale et de la compétence, que les services de communication du ministère de la Défense osent servir, à l’opinion, un tel niveau de cynisme. Compte tenu de la mémoire des massacres ethniques auxquels les lois et la pratique confèrent l’impunité en Mauritanie, il fallait des mots de prudence et de compassion et l’engagement à diligenter une enquête neutre, pour rendre justice».
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Au delà de l'avis officiellement formulé par plusieurs partis politiques de l'opposition, plusieurs organisations de dégense des droits humains, comme la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH -organe consultatif du gouvernement) a tenu à rappeler «aux autorités que toutes les actions doivent être légales, nécessaires et proportionnelles à la menace. A ce titre, il convient de mener une enquête indépendante et crédible pour faire la lumière sur les circonstances de cet acte et en tirer les conséquences garantissant le respect des droits humains et la lutte contre l’impunité».
Une ONG mauritanienne, celle de l’Association des Femmes Chefs de Familles (AFCF), s’insurge, quant à elle, contre ce que ses membres n'hésitent pas à qualifier d'«assassinat».