Algérie-Mauritanie: quels sont les principaux produits qu’exportent les opérateurs algériens?

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Le 28/10/2018 à 16h52, mis à jour le 28/10/2018 à 17h18

L’Algérie ambitionne de devenir le premier fournisseur africain de la Mauritanie. A t-elle les moyens de cette ambition? La Foire des produits algériens à Nouakchott a été l’occasion d’exposer les principaux produits que les opérateurs algériens comptent exporter vers la Mauritanie.

L’Algérie dont plus de 95% des exportations reposent sur les hydrocarbures souhaite diversifier son économie et son offre export. Dans cette optique, elle compte sur les pays limitrophes d’Afrique subsaharienne et de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’ouest (CEDEAO) pour booster ses exportations.

A ce titre, elle veut conquérir le marché mauritanien et faire de la Mauritanie une porte d’entrée vers l’Afrique subsaharienne. C’est dans cette optique que s’inscrit l’«Exposition spécifique des produits algériens» qui se déroule du 23 au 29 octobre 2018 à Nouakchott, avec la présence de 170 entreprises algériennes de différents secteurs d’activité.

Pour cette exposition, qui prend fin le lundi 29 octobre, les secteurs présents sont constitués d’entreprises de l’industrie chimique et pétrochimique (38 exposants), l’agroalimentaire (33 entreprises), l’industrie électrique, électronique et électroménager (20 entreprises), industrie mécanique (20 entreprises), secteur agricole (16 entreprises), secteur des travaux publics (12 entreprises), les matériaux de construction (9 entreprises), secteur des services (4 entreprises), etc.

Lors de cette manifestation, l’Algérie a affiché clairement son ambition de détrôner le Maroc comme premier fournisseur de la Mauritanie au niveau du continent africain. Une ambition clairement martelée par le ministre du Commerce algérien, Saïd Djellab.

De quoi est constituée l’offre algérienne? Celle-ci est constituée de produits électroménagers (cuisinière, frigo, congélateur, etc.), électriques et électroniques (télévision, téléphone, groupes électrogènes, câble électriques, etc.), produits d’hygiène (serviettes hygiénique, couches bébé, savons, crèmes, etc.), produits en plastique (ustensiles, tuyaux, etc.), produits d’hydrocarbures (lubrifiants), textiles, dattes, matériaux de construction (céramique, peinture, etc.), mécanique (matériel agricole, tracteur, etc.), produits agricoles, conserves de viandes, etc. Certains fabricants de produits électroménagers ont ouvert des représentations à Nouakchott, comme c’est le cas il y a deux ans de Condor qui a réalisé un chiffre d’affaires de 1 million de dollars en 2017.

En clair, l’offre de produits algériens est constituée de produits fortement présents sur le marché mauritanien depuis des années et venant de divers pays: Maroc, Espagne, Turquie, Chine, etc.

En 2017, les échanges extérieurs (exportations et importations) entre la Mauritanie et l’Algérie se sont établis à 50 millions de dollars, sur un total du commerce extérieur mauritanien d’environ 4 milliards de dollars. Le continent africain a représenté 8,6% des importations de biens de la Mauritanie et 7,7% de ses exportations.

Reste à savoir si les produits algériens sont compétitifs pour s’imposer sur le marché mauritanien et faire de l’Algérie le premier fournisseur de la Mauritanie au niveau africain. Ce n’est pas si sûr. La concurrence est rude.

A titre comparatif, au niveau du poste de Guerguerat, ce sont quotidiennement des dizaines et des dizaines de camions, de 18 et 25 tonnes, transportant divers produits marocains (fruits, légumes, produits alimentaires, produits plastiques, textiles, matériels mécanique et électronique, aluminium, etc.) qui passent la frontière à destination de la Mauritanie. Les échanges commerciaux entre la Mauritanie et le Maroc dépassent actuellement 150 millions de dollars et le poste de Guerguerat est l’un des principaux pourvoyeurs de recettes douanières et taxes liées au commerce extérieur de la Mauritanie.

Les produits algériens font face à un certain nombre d’obstacles. D’abord, la distance fait qu’il faut aujourd’hui, au moins, 7 jours pour relier Alger à Nouakchott. Ensuite, outre le coût du carburant et les frais liés au trajet, les exportateurs doivent aussi faire face aux droits de douane et taxes douanières qui sont élevés. A titre d’exemple, les camionneurs marocains déboursent une taxe de 787.000 ouguiyas (ancien), soit 1.630 euros, par camions de 25 tonnes.

Au niveau qualitatif, le Made in Algérie est loin de faire l’unanimité. A titre d’illustration, la pomme de terre algérienne est refusée en Russie du fait de sa forte teneur en pesticides. De même, les machines agricoles algériennes ont laissé de mauvais souvenirs en Mauritanie du fait de la piètre qualité des équipements montés en Algérie faisait que la durée de vie de ces engins était courte comparativement à ceux importés d’autres pays. En plus, les problèmes de pièces de rechange avaient fini par mener à l’abandon des produits algériens.

Reste à savoir si les promesses d’assurer des pièces de rechanges et la formation des jeunes mauritaniens en montage et la maintenance des produits vont inciter les Mauritaniens à opter pour les produits algériens. Ce n’est pas sûr pour ceux qui ont été échaudés par la piètre qualité du matériel agricole algérien.

En outre, certaines exportations exotiques suscitent des appréhensions. C’est le cas de celles des conserves de viandes que certains opérateurs algériens souhaitent exporter en Mauritanie. Sachant que l’Algérie importe de la viande du Brésil, de l’Espagne, de la France et d’autres pays, quelle traçabilité offrent ces produits? Idem de la "halalité" de ces viandes.

Quant aux produits agricoles, dont la production algérienne est insuffisante, elles auront du mal à concurrencer ceux venant du Maroc et qui sont livrés en moins de 48 heures à partir d‘Agadir à Nouakchott.

Conscient de la faible compétitivité des produits algériens, les autorités algériennes qui souhaitent sortir du tout pétrole comptent soutenir leurs exportateurs. «Nous subventionnerons le transport terrestre pour que nos produits soient concurrentiels et présents en force sur le marché mauritanien», a souligné le ministre algérien du Commerce, dans le but de rendre les produits algériens plus compétitifs.

En plus, un site logistique sera aménagé à Tindouf pour stocker les produits à exporter vers l’Afrique de l’ouest afin de réduire les délais d’approvisionnement à 5 jours et recourir à la Société nationale des transports routiers (Logitrans) pour assurer le transport.

Par ailleurs, afin de booster les échanges entre les deux pays, Air Algérie va lancer une ligne de transport aérienne Alger-Nouakchott et Nouakchott-Nouadhibou-Alger avec un avion cargo début novembre prochain. D’une capacité de 20 tonnes, cet avion cargo va permettre l’exportation des fruits et légumes algériens et l’importation des produits de la mer mauritanienne qui attirent les opérateurs algériens. Une seconde ligne sera lancée pour relier Alger-Nouadhibou, suivant l’évolution des échanges.

Ces soutiens sont toutefois jugés insuffisants pour rendre le produit algérien plus compétitif par rapport aux autres produits vendus sur le marché mauritanien.

Selon les opérateurs algériens, pour promouvoir dans ces conditions les produits algériens en Mauritanie, il faudra obligatoirement revoir les droits de douane et les taxes appliquées à la frontière. Chose que les autorités mauritaniennes n'accepteront pas de sitôt, sachant que les droits de douane et taxes aux frontières constituent une part notable des recettes du Trésor mauritanien.

L’Algérie et la Mauritanie ont créé un Conseil d’affaires algéro-mauritanien le mercredi 24 octobre courant à Nouakchott. Celui-ci doit se pencher sur un certain nombre de freins aux échanges: les défis du transport terrestre de marchandises, l’appui logistique en matière de transport, la distribution, les problèmes liés aux changes des monnaies algérienne et mauritanienne, avec en toile de fond la mise en place de mécanisme entre les deux banques centrales des deux pays, etc. Ce conseil doit aussi se pencher sur l’épineux problème des droits douaniers exorbitants des deux côtés et avancer des idées sur la mise en place d’un accord préférentiel entre les deux pays.

Enfin, l’absence de banques algérienne en Mauritanie et au niveau de la sous-région constitue aussi un handicap majeur pour fluidifier les échanges et soutenir les exportateurs algériens. C'est dire que l'ambition de devenir le premier fournisseur africain de la Mauritanie a sérieusement du plomb dans l'aile.

Par Moussa Diop
Le 28/10/2018 à 16h52, mis à jour le 28/10/2018 à 17h18