Ces derniers temps l'avenir de l'Algérie est évoqué en des termes de plus en plus inquiétants. Après le rapport publié mi-juillet par Verisk Maplecroft, cabinet britannique d'analyse des risques pays dans le monde, voilà que l'Agence de presse française, au détour d'une dépêche anodine en apparence, enfonce le clou et parle d'imminent "krach financier".
En effet, annonçant le limogeage du ministre algérien du Travail, Ahmed Chawki Fouad Acheuk, par Abdelmadjid Tebbounce ce vendredi 31 juillet, l'AFP a rappelé que "l'Algérie, très vulnérable à la chute des prix du pétrole et confrontée à une crise du système politique doublée d'une urgence sanitaire, voit s'approcher la menace d'un krach financier et de troubles sociaux".
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Une analyse qui ne manque pas de pertinence. Car, même si la dépêche ne fait pas le lien, il est très probable que le ministre du Travail ait été limogé ou bien a démissionné à cause du scandale des pensions de retraite que la Caisse nationale des retraites algériennes n'a pas été en mesure de payer, à la veille de la fête de l'Aïd El Kébir.
En effet, dans toutes les villes du pays, des centaines de personnes âgées ont fait le pied de grue devant les bureaux de poste dans l’espoir de percevoir leurs pensions ou leurs allocations, sans succès. Les images les plus incroyables ont circulé dans les réseaux sociaux, avec ici un vieil homme escaladant les grilles qui le séparent de l’entrée du bâtiment, et là, un malheureux homme âgé battu violemment par un policier pour on ne sait quelle raison.
Il y a donc lieu de craindre un véritable krach financier, car si les retraites n'ont pas été payées, les salaires pourraient suivre bientôt et l'Algérie pourrait ne même plus être capable de s'approvisionner à l'étranger, du fait de l'assèchement progressif des réserves de changes.
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Les retraites algériennes ne sont plus supportées depuis plusieurs années par la CNR, mais directement par le budget de l'Etat qui, via les transferts, apporte annuellement entre 5 et 7 milliards de dollars. Or, cette somme n'est plus disponible à cause de la disparition de la manne pétro-gazière qui représente 60% des recettes du Trésor.
C'est également à cause de la chute vertigineuse des cours du pétrole que les réserves de change sont aujourd'hui atour de 50 milliards de dollars, alors qu'elles étaient autour de 200 milliards de dollars en 2014 et même à 62 milliards au tout début de l'année. Et d'ici fin 2020, il y a fort à parier que ces réserves ne dépasseront pas 30 milliards de dollars, ce qui risque de compromettre, dès 2021, la possibilité financière de l'Algérie d'importer des biens nécessaires à la survie de ses citoyens. Car, faut-il le rappeler, l'Algérie importe la plupart des produits de première nécessité, comme le blé, le sucre et même le carburant pour plusieurs dizaines de milliards de dollars par an.
Ces difficultés financières exposent le pays à un risque d'implosion sociale sans précédent.
C'est exactement l'analyse qu'avait faite à juste titre le cabinet britannique qui a classé l'Algérie parmi les 37 pays dans le monde où le risque de perturbation sociale est à son paroxysme, notamment avec le chômage des jeunes, la gestion calamiteuse de la Covid-19 ou encore les troubles politiques qui s'enchaînent.
Ce n'est donc pas le ministre du Travail, le vrai problème, mais la voie sans issue dans laquelle le pays s'est engagé.
Des milliers de jeunes Algériens n'ont attendu ni Verisk Maplecoft ni l'Agence France Presse pour se faire leur opinion. Ils préfèrent désormais prendre les pateras en direction de l'Espagne. Le week-end dernier plus de 800 haragas ont réussi à rejoindre les côtes espagnoles pour fuir le manque de perspectives que leur offre le régime et rejoindre leurs 2703 compatriotes qui ont tenté l'aventure avant eux cette année. Dans sa fuite en avant, Abdelmadjid Tebboune pourra-t-il limoger ses ministres de l'Intérieur ou des Affaires étrangères?