Voici les 5 pays d’Afrique pour lesquels la Banque Mondiale table sur un taux de croissance supérieur à 7%

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Le 24/02/2020 à 08h57, mis à jour le 25/02/2020 à 14h10

Six pays d’Afrique figurent parmi les 10 pays de la planète dont le taux de croissance sera le plus élevé en 2020 et 2021. Pour cinq d’entre eux, ce taux prévisionnel pourra dépasser 7%. Ces pays non pétroliers, leurs perspectives de croissance sont encore meilleures les années suivantes.

Globalement, l’Afrique devrait afficher une croissance économique en progression d’environ 2,9% pour l’année 2020, selon les plus récents calculs prévisionnels de la Banque Mondiale. 

Si ce taux de croissance est meilleur que celui de 2019, qui était de l’ordre de 2,4%, le taux croissance global pour 2020 reste faible, du fait d’une conjonction de facteurs de risques qui continuent de peser sur les économies du continent. Parmi ceux-ci, la baisse de la demande mondiale des matières premières, à cause du ralentissement de la croissance en Chine et dans des pays développés, dont les Etats-Unis et certains pays membres de l’Union européenne.

Autre risque : la hausse du service de la dette aura pour effet d’évincer les dépenses publiques, mais aussi la baisse des prix des matières premières, une tendance qui s’inscrit dans le sillage de la baisse de la demande mondiale, et qui aura pour conséquence de réduire les recettes d’exportation, ainsi que les effets de la crise sécuritaire dans le Sahel.

En outre, l’épidémie du coronavirus covid-19 risque à terme d’impacter négativement les économies africaines, de plus en plus dépendantes de leurs relations économiques avec la Chine, en ce qui concerne leurs échanges extérieurs et leurs investissements. 

Toutefois dans leur globalité, les pays d’Afrique afficheront de bonnes performances en 2020 et 2021, exceptés quatre pays, pourtant leaders économiques du continent que sont le Nigeria, l’Afrique du Sud, l’Algérie et l’Angola. 

Selon les données d’un récent rapport de la Banque Mondiale, intitulé «Perspectives économiques mondiales», pas moins de 20 pays d’Afrique afficheront un taux de croissance supérieur ou égal à 5% en 2020. 

Mieux encore, pas moins de 6 économies de pays d’Afrique figureront parmi les 10 pays qui afficheront les plus forts taux de croissance économiques dans le monde en 2020, selon ces données de la Banque Mondiale. 

Globalement, il s’agit de pays qui affichent depuis plusieurs années des performances positives avec des taux de croissance élevés, à l’instar de l’Ethiopie, le Rwanda, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, ou encore Djibouti. Ces pays sont dépourvus de ressources pétrolières et leur économie repose essentiellement sur des investissements dans leurs infrastructures, la dynamisation de leur secteur tertiaire, ainsi que le développement de leur agriculture.

Voici les 5 pays qui afficheront les taux de croissance les plus élevés en Afrique en 2020 et 2021. 

 

L’Ethiopie, ce champion mondial de la croissance en 2020 et 2021

Après une croissance robuste durant la décennie écoulée, et un taux de croissance annuel moyen proche de 10%, l’Ethiopie entame cette nouvelle décennie avec des perspectives de croissance solides. En effet, selon les prévisions de la Banque mondiale, après une hausse de son PIB de l’ordre 7,9% en 2019, ce pays devrait afficher une croissance de l’ordre de 8,2% à la fois en 2020 et en 2021, soit le meilleur taux de croissance du monde. 

De son côté, la Banque centrale éthiopienne table sur un taux de croissance de 10,8%, pour l’exercice fiscal 2019-2020, contre une progression de 9% en 2018-2019. 

Cette dynamique de croissance est portée par la production de l’industrie du pays, ainsi que le développement de ses activités de services. Le pays devrait par ailleurs continuer à tirer profit de l’évolution de la dynamique préalablement engagée dans les BTP et continuer à investir dans le développement de ses infrastructures.

La baisse du prix des produits agricoles produits, particulièrement le café, et surtout la pénurie persistante en devises, ont toutefois pesé sur l’activité économique de l’Ethiopie en 2019. 

Mais le pays devrait profiter des réformes économiques en cours, ainsi que des opportunités d’affaires pour les investisseurs étrangers dans certains secteurs-clés de l’économie du pays, dans le but diversifier ses activités, alors que le PIB éthiopien repose encore largement sur le secteur agricole, pourvoyeur de 75% des emplois de la population active.

Dans les années à venir, l’économie éthiopienne devrait aussi commencer à profiter des importantes retombées attendues de la construction du Grand barrage de la Renaissance éthiopienne, qui devrait commencer à produire de l’énergie électrique dès la fin de l’année 2020, et dont la production devrait monter en puissance, pour atteindre à terme une capacité de production qui pourra atteindre 6.450 MW.

Cette nouvelle activité de production énergétique qu’entame l’Ethiopie doit à terme stimuler sa croissance économique et améliorer le taux d’électrification du pays, en permettant d’offrir de l’énergie à bas coûts aux entreprises éthiopiennes opérant dans le secteur de l’industrie. L’exportation de cette production énergétique vers les pays voisins permettra, de plus, de générer des entrées de devises pour le pays.

Le récent rétablissement des relations diplomatiques avec l’Erythrée permettra de plus à l’Ethiopie de disposer d’une seconde voie d’accès à la mer Rouge, ce qui ne peut qu’améliorer ses connexions commerciales avec les autres ports du monde.

Les perspectives de croissance de l’Ethiopie, second pays le plus peuplé du continent, avec ses 110 millions d’habitants, sont donc solides. A condition toutefois que d’éventuels tensions communautaires n’entravent la marche du pays vers son émergence économique.

Le Rwanda, un modèle basé sur le développement des services, grâce au leadership de Paul Kagame 

Cela fait déjà plusieurs années que ce pays d’Afrique de l’Est dont la superficie est peu étendue, figure parmi les économies les plus performantes du continent. Durant la période 2011-2019, le taux de croissance annuel moyen du pays s’est situé aux alentours de 7,4%.

Le PIB du pays a entre-temps été multiplié par quatre entre 2000 et 2018, et a enregistré une croissance annuelle moyenne de 8% durant cette période, ce qui a permis de réduire le nombre d’habitants vivant en dessous du seuil de pauvreté qui s’établissait à 60% en 2000, à moins de 38% en 2018, tout en multipliant par 3,5 le revenu moyen par habitant.

Cette forte croissance a également permis d’améliorer les services de santé et le système d’éducation de la population. 

Pour cette année 2020 et l’année suivante, la Banque Mondiale table sur des taux de croissance qui s’établissent respectivement à 8% et 7,5%. Et selon les prévisions de la Banque africaine de développement (BAD), cette croissance devrait se situer à 8% en 2020 et à 8,2% en 2021. 

Cette dynamique de croissance s’explique par le leadership dont fait preuve le président Paul Kagame, qui a su instaurer des pratiques pour une meilleure gouvernance et établir une stratégie claire à même de permettre à son pays de se développer. Le Rwanda figure d’ailleurs en bonne place parmi les pays les mieux gérés du monde, grâce à un niveau de gaspillage et de détournement très bas des ressources publiques. 

N’ayant que peu de ressources naturelles, le Rwanda a su miser sur son agriculture et surtout sur une industrie des nouvelles technologies qui concernent quasiment l’ensemble des aspects de la vie quotidienne (santé, éducation, services bancaire, etc.), par la création d’emplois directs ou indirects. Aujourd’hui, le secteur tertiaire pèse pour près 50% du PIB rwandais. 

Cette dynamique économique est aussi le résultat de l’augmentation des projets d’infrastructures, et de leur forte contribution à l’économie du pays, ainsi que du nombre croissant d’Investissements directs étrangers (IDE). 

Pour ce qui est des perspectives économiques qui s’offrent au Rwanda, sa dynamique de croissance devrait se poursuivre, grâce à l’afflux des IDE. En 2019, le pays a ainsi attiré 2,46 milliards de dollars d’investissements étrangers, un montant en hausse de 22,6% comparativement à celui de l’exercice précédent, de l’ordre de 2,01 milliards de dollars.

Ces investissements ont tout particulièrement bénéficié aux secteurs de l’énergie et de la transformation avec des parts respectives de 45% et 30% et s’expliquent par un environnement favorable des affaires.

Le Rwanda s’est donc classé au second rang africain dans le dernier rapport Doing Business de la Banque Mondiale, grâce au développement sans précédent qui caractérise le secteur privé rwandais. L’économie rwandaise pâtit toutefois des coûts élevés liés au transport des biens et services produits, à cause de l’enclavement du pays et du manque de développement de ses infrastructures de base, ce qui limite son attrait auprès des investisseurs nationaux et étrangers.

Côte d’Ivoire, l’éléphant est toujours solide, mais gare aux politiques menées

L’éléphant ivoirien a su faire preuve de tonus. Dès la fin de la crise post-électorale qui a eu pour conséquence de faire baisser le PIB de l’ordre de -4,4% en 2011, et malgré la période d’instabilités politiques qui a suivi durant près de dix ans, l’économie ivoirienne a su enchaîner des performances économiques solides. De 2011 à 2015, le pays a enregistré une croissance moyenne annuelle du PIB de l’ordre de 9,2%, puis de 8,1% de 2016 à 2018.

Selon les prévisions de la Banque Mondiale, après un taux de croissance de 7,4% en 2019, le pays devrait afficher un taux de croissance de 7,3%, aussi bien en 2020 qu’en 2021. 

En plus du retour à la paix, la Côte d’Ivoire, locomotive des économies de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), a pu bénéficier du résultat des réformes mises en place, et de l’appui des bailleurs de fonds étrangers pour continuer à assurer sa croissance. 

En plus du développement de la production des filières agricoles (dont celles du cacao, de l’anacarde, du café, de la banane et de l’ananas), socle du développement de la Côte d’Ivoire, le pays a beaucoup investi dans ses infrastructures, dont ses ports, ses autoroutes, ses barrages hydroélectriques, et a su améliorer son attractivité en ce qui concerne ses opportunités d’affaires pour attirer davantage d’investisseurs étrangers, après le gel de leurs investissements suite à la crise post-électorale. 

La dynamique de la croissance économique ivoirienne est aussi due à la concrétisation des deux phases du Plan national de développement (PND) sur les périodes 2012-2015 et 2016-2020.

La seconde phase du PND, de l’ordre de 50 milliards de dollars, a permis de réaliser d’importantes infrastructures et a contribué à la transformation agricole du pays. 

Mais l’avenir économique de la Côte d’Ivoire reste suspendu à la menace de tensions politiques qui pèsent toujours sur le pays, qui organise en cette année 2020 ses élections présidentielles.

C’est à la seule condition de l’organisation du scrutin et la proclamation de ses résultats dans une atmosphère sereine, que le pays pourra poursuivre sa dynamique de croissance durant cette nouvelle décennie, en consolidant les acquis de la politique menée pendant dix ans.

Les autorités devront, selon les recommandations de la Banque Mondiale, mettre l’accent sur la transformation des produits issus de l’agriculture ivoirienne, tel le cacao, pour développer l’industrie du pays, créer de la valeur ajoutée et générer de nouveaux emplois pour mettre fin au chômage qui touche surtout la jeunesse ivoirienne. 

Le pays doit donc davantage diversifier son économie, qui repose surtout sur la production agricole, dont le prix à l’export est tributaire des cours fixés par les marchés internationaux, tout particulièrement en ce qui concerne le cours du cacao dont la Côte d’Ivoire est le premier exportateur mondial. Enfin, à l’instar de nombreux pays d’Afrique, les résultats de la croissance économique de la décennie passée, caractérisée par une forte croissance, n’a pas bénéficié à l’ensemble des habitants du pays et le chômage touche particulièrement la catégorie des jeunes, dont les attentes en matière d’offres d’emploi et donc de perspectives d’avenir sont importantes.

Sénégal: de très bonnes perspectives avec le gaz et le pétrole

Depuis quelques années, l’économie du Sénégal, aux taux de croissance élevés, fait partie des pays les plus dynamiques du continent. Après un taux de 7,2% en 2017, de 6,8% en 2018 et 2019, la Banque Mondiale table sur une croissance aux alentours de 7% en 2020 et 2021. 

Ces performances sont tirées par une production agricole de plus en plus rentable (riz, arachide, horticulture), les bons scores réalisés par l’industrie extractive (ilménite, phosphate, etc.), mais aussi la dynamique du secteur du BTP, ou encore l’amélioration du taux d’électrification. 

Quant aux perspectives qui s’offrent à l’économie sénégalaise, elles sont encore meilleures.

D’abord, le pays devrait tirer davantage de retombées du Plan Sénégal Emergent (PSE), lancé par le président Macky Sall, et dont la seconde tranche a pu bénéficier d’importants financements de la part de bailleurs de fonds. Les travaux infrastructurels nécessaires aux fondamentaux d’un développement économique solide ayant été initiés, l’impact du PSE devrait à terme faire ressentir ses effets positifs sur de nombreux pans de l’économie sénégalaise, dont l’exportation de la production agricole du pays.

Dès 2021-2022, le Sénégal devrait rejoindre le club des pays exportateurs de pétrole et de gaz. En plus du commencement de l’exploitation des ressources gazières du champ offshore Grand-Tortue/Ahmeyin, découvert à la frontière maritime des eaux territoriales mauritaniennes, le Sénégal a également découvert de nombreux autres gisements pétroliers et gaziers. 

L’exploitation de ces gisements devraient dynamiser l’économie sénégalaise dans les années à venir, et la faire sensiblement croître, à condition bien évidemment que le développement industriel du pays et celui de ses services ne soit pas délaissé, au seul profit de l’exploitation de ses ressources en hydrocarbures, comme cela a pu être le cas dans presque tous les pays du continent producteurs d’hydrocarbures, tels l’Algérie, le Nigeria, l’Angola, le Gabon ou encore le Congo. 

Enfin, le pays devrait tirer profit des progrès accomplis dans le développement infrastructurel de ses installations pour fournir de l’énergie électrique.

Avec un taux d’électrification actuellement de 65%, pour une capacité de production électrique installée de 1.230 MW, le gouvernement sénégalais compte investir environ 600 milliards de franc CFA (soit l’équivalent d’un milliard de dollars) dans le processus d’électrification des zones rurales d’ici 2023. 

Le développement économique du Sénégal est également tributaire d’une meilleure redistribution des richesses issues de la croissance, ainsi que d’investissements dans l’amélioration des conditions de vie des habitants, en ce qui concerne le système éducatif et les services de santé, mais aussi une meilleure amélioration de la gouvernance et de la gestion des deniers publics. L’entrepreneuriat privé doit également bénéficier d’un politique d’encouragement de l’Etat, afin que la nouvelle dynamique de création de richesses accompagne l’exploitation du pétrole et du gaz.

Djibouti: forte croissance tirée par les services de transport et de logistique

La position stratégique de Djibouti, au carrefour de plusieurs voies maritimes, et son port en eau profonde lui permet d’afficher de solides taux de croissance.

Selon les prévisions de la Banque Mondiale, Djibouti devrait afficher un taux de croissance de 7,5% en 2020 et 8 % en 2021-2023.

Sa localisation géographique, et la fin des travaux de modernisation de son port en 2017, permettent à Djibouti d’être aujourd’hui un pays stratégique dans le transport intermodal de l’Afrique de l’Est. 

Pour mieux tirer profit de sa position géographique, Djibouti a construit la zone franche Djibouti Silk Road Station, financée par des investisseurs chinois, dans le but de stimuler l’activité du secteur privé, et d’attirer les Investissements directs étrangers (IDE). Les réexportations des entreprises implantées dans les zones franches du pays devraient quant à elles entretenir les perspectives de croissance des prochaines années.

Djibouti bénéficie également de l’activité commerciale qui s’est bâtie autour des bases militaires implantées dans le pays, dont des bases militaires américaine, française, japonaise, italienne et chinoise. Le revenu de la location par l’Etat des terres où sont implantées ces bases permettent d’encaisser des rentes annuelles estimées à plus de 3% du PIB. Ces bases, dont celle de l’armée américaine, constituent d’ailleurs la troisième source d’emplois du pays.

Malgré la dynamique de croissance de l’économie de Djibouti, la pauvreté et le chômage restent endémiques dans ce petit pays d’une population d’un plus d’un million d’habitants.

L’installation de nombreuses entreprises étrangères bénéficient finalement peu à la main d’œuvre locale, qui est faiblement qualifiée. 

De plus, l’économie de Djibouti est aujourd’hui fragilisée par le fait que sa croissance s’est focalisée sur le développement des transports et des services, et par le fait que le pays est aujourd’hui exposé à un ralentissement de ses flux commerciaux avec ce pays limitrophe qu’est l’Ethiopie, qui importe 95% de ses marchandises via le port et les routes de Djibouti.

Par Moussa Diop
Le 24/02/2020 à 08h57, mis à jour le 25/02/2020 à 14h10