Le ministère russe de l’Industrie et du Commerce a annoncé vendredi 4 mars 2022, avoir recommandé aux opérateurs nationaux d’engrais de suspendre temporairement leurs exportations au regard de la situation géopolitique et de ses conséquences.
Cette décision de suspension sera maintenue jusqu’à ce que les transporteurs reprennent un rythme de travail et fournissent les garanties que les exportations d’engrais russes seront intégralement assurées. Elle ne manquera pas d’impacter les cours mondiaux des phosphates et des engrais qui sont sur un trend haussier depuis avril 2020. Le cours du phosphate est passé de 70,75 dollars la tonne métrique à cette date à 173,13 dollars à fin janvier dernier, après un pic à 176,67 dollars la tonne métrique en décembre 2021.
Et suite au déclenchement de la crise en Ukraine et la décision russe, c’est une nouvelle tendance à la hausse qui s’enclenche, aussi bien pour la roche que celui des engrais sachant que le marché était sur un trend haussier depuis bientôt deux ans grâce à une forte demande mondiale face à un marché oligopolistique dominé par une poignée de producteurs de phosphates bruts: Chine, Maroc, Etats-Unis, Egypte, Russie…, sachant que pour la Chine et les Etats-Unis, l’offre est absorbée par une demande intérieure très importante, contrairement à l’offre marocaine dédiée essentiellement à l’export.
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La hausse du cours du gaz et des produits dérivés des hydrocarbures, notamment l’ammoniac, impactent négativement les coûts de fabrication des engrais, poussant les producteurs à répercuter ces hausses sur les consommateurs.
En outre, la flambée des cours du baril de pétrole, qui a frôlé les 140 dollars ce lundi matin, avant de reculer autour des 120 dollars, impacte le cours du fuel et donc du transport maritime du phosphate, des intrants et des engrais.
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Enfin, la décision russe de suspendre ses exportations va durement impacter le marché et pourrait accélérer la tendance haussière des cours du phosphate et engrais. En effet, la Russie représente 13% des échanges des produits intermédiaires d’engrais et 16% des échanges mondiaux d’engrais finis. Si la Russie ne produit que 2,5% de l’ammoniac mondial, elle pèse 40% des échanges mondiaux de nitrate d’ammonium.
Une production destinée particulièrement au marché d’Amérique latine, notamment le Brésil, un gros producteur de céréales. C’est dire que la tension sera très forte sur le nitrate d’ammonium. De même, en ce qui concerne les engrais potassiques, la Russie et le Bélarus fournissent environ 40% du commerce mondial.
La Russie étant un acteur incontournable du secteur, l'arrêt de ses exportations va perturber le marché avec un risque de rupture des approvisionnements de certains engrais. Le Brésil qui absorbe 60% du volume d’engrais azotés russes doit trouver rapidement des alternatives.
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Seulement, ces ruptures d’engrais venant de la Russie et du Bélarus ne peuvent être compensées par les autres producteurs dans un marché déjà tendu. En conséquence, l’arrêt des exportations russes va contribuer à déséquilibrer davantage l’offre et la demande au niveau du marché en entretenir le trend haussier des phosphates et engrais dans les semaines et mois à venir.
A noter que concernant la roche de phosphate, la Chine et le Maroc fournissent les deux-tiers de la production mondiale.
Toutefois, si la production de la Chine, de loin la plus importante du monde, est destinée essentiellement à la consommation intérieure, celle du Maroc est par contre dédiée essentiellement à l’exportation. Premier exportateur mondial de phosphate brut, le Maroc bénéficiera de la hausse du cours de la roche qui a atteint 173,13 dollars la tonne métrique à fin janvier, avant la flambée des cours des métaux dans le sillage de l’intervention russe en Ukraine. Le prix du phosphate marocain, par exemple, est passé de 83.33 dollars la tonne en décembre 2020 à 147.5 dollars en décembre 2021. Et actuellement, le prix de la tonne métrique du phosphate marocain tourne autour de 173 dollars, soit un gain de plus de 17,3% depuis le début de l’année. Ce qui offre d’excellentes perspectives pour l’année en cours.
Le Maroc détient des réserves estimées à 50 milliards de tonnes, soit plus de 71,4% des réserves mondiales de phosphates prouvées, très largement devant la Chine (3,2 milliards de tonnes), l’Algérie (2,2 milliards de tonnes), la Syrie (1,8 milliard de tonnes et le Brésil (1,7 milliard de tonnes).
Outre la roche de phosphate, les cours des engrais devraient croître beaucoup plus rapidement avec la décision russe de suspendre ses exportations d’engrais. Déjà, l’ammonitrate 33,5, engrais azoté à base de nitrate d’ammonium, a vu son cours atteindre 805 euros la tonne métrique, début mars 2022, contre 397 euros en fin octobre 2021. De même, l’urée a vu son prix s’établir à 660 euros la tonne métrique, 440 euros en octobre dernier. Idem pour le DAP -Di-ammoniaque phosphate-, appelé aussi le phosphate d’ammonium, l’engrais starter le plus utilisé dans le monde a vu son cours s’établir à 825 euros la tonne métrique, contre 603 euros à fin octobre 2021.
En somme, les cours du phosphate et des engrais, bien orientés bien avant la crise ukrainienne, devraient continuer à tirer profit de la conjoncture actuelle.
Ainsi, cette évolution favorable des cours du phosphate et des engrais constitue une aubaine pour les producteurs. Et au niveau du continent africain, le pays qui devrait tirer le plus de profit de cette situation est le Maroc. L’Office chérifienne des phosphates (OCP), premier exportateur mondial de phosphate brut, d’acide phosphorique et d’engrais phosphaté dans le monde, va bénéficier de la hausse du cours de la roche dont il est de loin le premier exportateur mondial.
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D’ailleurs, les chiffres publiés tout récemment par l’OCP, avant cette nouvelle flambée des cours et des perspectives de hausse des cours, illustre l’impact positif de cette hausse pour l’OCP et donc pour le Maroc. Les ventes de phosphates et dérivés, au titre du mois de janvier 2022 ont plus que doublé, s’établissant à 7,79 milliards de dirhams, contre 3,48 milliards de dirhams à fin janvier 2021, selon la récente note de l’Office des changes.
Rappelons que le géant mondial des phosphates marocain est contrôlé à hauteur de 95% par l’Etat marocain et 5% par la Banque centrale populaire (5%).
Reste que certains producteurs de phosphate et d'engrais doivent aussi faire face à des hausses du gaz et d’intrants importés. C’est le cas particulièrement du Maroc qui dépend des importations de gaz, d’ammoniac et de la potasse pour sa production. En effet, pour produire du phosphate brut et des engrais, deux produits sont indispensables: le gaz, qui est utilisé pour le séchage de la roche, et l’ammoniac, et tous deux ont vu leurs prix flamber.
A titre d’exemple, le cours du gaz continue d’accumuler les records. Propulsé par la guerre en Ukraine, le cours du gaz a franchi les 300 euros le mégawattheure (MWh). Ce lundi 7 mars, le cours du gaz européen de référence, le TTF néerlandais, a bondi à un nouveau record à 345 euros le MWh. Cette hausse s’expliquant par le fait que l’Europe dépend à hauteur de 40% des importations de gaz de la Russie.
Certains producteurs ont beaucoup investi pour atténuer l’effet de ses hausses. Ainsi, grâce à d’importants investissements au cours de ces dernières années, l’OCP a amélioré son efficacité opérationnelle, ce qui a permis au groupe de neutraliser une partie de la flambée des cours du gaz, du souffre et de l’ammoniac.
Outre le Maroc, les autres producteurs africains qui pourront profiter de la conjoncture sont l’Egypte (4,6 millions de tonnes), la Tunisie (3,3 millions de tonnes), l’Afrique du Sud (2,1 millions de tonnes) le Sénégal (1,5 million de tonnes) et l’Algérie (1,3 million de tonnes).
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A noter que la situation sera très favorable à l’Egypte qui bénéficie de la disponibilité du gaz et de l’ammoniac en abondance pour produire des engrais de manière très compétitive.
Enfin, il faut souligner que cette hausse des cours des phosphates et engrais risque d’avoir un impact négatif sur la production agricole mondiale. Outre les craintes de ruptures de volumes, un niveau très élevé des cours pourrait se traduire par une réduction de la consommation des engrais dans le monde et dont une baisse des rendements et par ricochet une baisse de la production agricole mondiale et entretenir une inflation sur les produits alimenaires déjà inquiétante.